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Commémoration de la rafle du 25 novembre 1943 à l’Université de Clermont Auvergne

Connaissez-vous l’histoire de la “rafle de Clermont” ou les Gergoviotes ? Savez-vous pourquoi les Universités de Clermont Auvergne et de Strasbourg la commémorent ensemble chaque année depuis 80 ans ? Laissez-moi vous raconter…



Chaque année, la semaine du 25 novembre, les universités de Clermont Auvergne et de Strasbourg collaborent ensemble pour commémorer la rafle de 1943 et honorer les mémoires des enseignants, personnels et étudiants déportés ou morts pour la France. Cette rafle commandée par l’occupant allemand et la plus importante du monde universitaire a eu lieu au sein même du bâtiment Carnot de l’UCA, où les étudiants continuent d’aller s’instruire toutes les semaines.



L’histoire du “drame de Clermont”


En novembre 1943, les bâtiments de l’Université de Clermont Auvergne, alors en zone libre, abritent les membres de l’Université de Strasbourg, étudiants et professeurs, qui y étaient repliés et cachés depuis le 3 septembre 1939. Le 10 juillet 1940 le régime de Vichy est proclamé à quelques kilomètres de là et Clermont-Ferrand devient une ville agitée, avant d’être envahie par les nazis en novembre 1942. Le bâtiment Carnot actuel, au 34 rue Carnot, alors faculté de lettres, est un bastion de résistants très actifs : les Gergoviotes. Il sera le lieu d’une rafle organisée par la Gestapo et l'armée allemande qui aboutira à des centaines d’arrestations, de déportations et des exécutions d’étudiants, enseignants et personnels catégorisés juifs, résistants ou étrangers.




Le matin du 25, vers 10 heures, en silence, les groupes armés de la Gestapo, la Luftwaffe et la police allemande de Clermont-Ferrand encerclent tout le campus Carnot. La bibliothèque universitaire, les bâtiments de l’avenue Vercingétorix et la faculté de droit sont aussi ciblées. Ils sont accompagnés de Georges Mathieu, un ancien résistant ayant retourné sa veste pour collaborer avec l’occupant dans une opération visant à débusquer dix-sept professeurs et étudiants identifiés comme résistants. Le chef de la gestapo clermontoise, Paul Blumenkamp, lance cette opération avec un objectif plus large en tête : il compte arrêter et déporter tous les étudiants étrangers, Juifs, Alsaciens-Lorrains en âge d’entrer dans la Résistance (dès 18 ans) et même les doyens des facultés.


Quand sonne la fin des cours vers 11 heures, les centaines d’étudiants et professeurs sont attrapés et rassemblés manu militari dans la cour intérieure par les soldats, qui les tiennent en joue depuis les fenêtres.

Une heure plus tard, le groupe prisonnier rejoint le hall d’entrée, où les agents de la gestapo et Georges Mathieu les attendent. Le collaborateur est chargé de reconnaître ses anciens camarades et enseignants pour diviser les 1 200 personnes parquées en deux groupes : ceux venant de Strasbourg ou ceux de Clermont-Ferrand.

A la fin de ce tri, la plupart des Clermontois sont libérés, mais restent 400 à 500 personnes toujours détenues.

La violence de la rafle diminue lorsque les agents de la gestapo quittent les lieux, laissant l'opération entre les mains de la Wehrmacht, dont les soldats sont moins convaincus par cette action. Vers 21 heures, lorsque les nervis de la gestapo font leur retour et l'opération repart de plus belle.

À 22 heures, les hommes sont emmenés par groupes de dix pendant que des policiers français relèvent leurs identités avec l’aide de Georges Mathieu. Lui se charge de trier les personnes interrogées en deux groupes. La plupart des prisonniers sont emmenés au 92e régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand, la prison de la Gestapo. À 4 heures du matin un groupe est libéré, le groupe restant est encore constitué de cent dix détenus.

Cette rafle a fait trois morts immédiats. Le professeur Paul Collomp, dont un des bâtiments du campus Carnot porte le nom, est abattu par un membre de la Gestapo, Kaltseiss, pour n’avoir pas levé les mains assez vite. Un jeune homme blessé par balle est achevé, près de la faculté de droit. Pour s’être soi-disant moqué d’un soldat qui lui ordonnait de descendre du trottoir avenue Vercingétorix, Louis Blanchet, 15 ans, est tué d’une rafale de mitraillette, alors qu’il se dirigeait vers son pensionnat.


Trois morts le jour de la rafle et plus de 70 morts dans les années qui ont suivi : plus de 1 200 interpellations, 500 prisonniers pour la journée et 110 déportations. Georges Mathieu, quant à lui, sera retrouvé et arrêté par des résistants, jugé puis fusillé le 12 décembre 1944.

Seule une trentaine de déportés reviendra des camps de concentration nazis, dont Arlette Lévy-Andersen, qui deviendra Grand témoin de la Shoah au Danemark.



Le parcours d’un jeune juive, de l’Université de Clermont à Auschwitz

Cette jeune fille issue d’une famille juive alsacienne, née le 18 juin 1924 dans le 3ème arrondissement de Paris, avait rejoint son père en zone libre à l’âge de 18 ans. Fraîchement diplômée de son baccalauréat, elle s’inscrit à l’université de Clermont-Ferrand pour entreprendre des études d’anglais. C’est lors de la rafle du 25 novembre qu’Arlette Lévy est arrêtée puis internée dans une caserne avant d’être envoyée à Drancy, et de là, à Auschwitz. Elle arrive dans le camp d’extermination le 23 janvier 1944, et a “la chance” de travailler dans l’usine d’armement, travail moins pénible que les travaux extérieurs. Elle en est évacuée un an après le 18 janvier 1945 par les SS craignant la progression de l’Armée rouge. Elle marche alors jusqu’au camp de Ravensbrück, au Nord de Berlin, puis est internée à Malchow, juste à côté. Elle rentre à Paris en mai 1945, enfin libérée, elle ne pèse plus que 30 kilos.


La voix d’un survivante

Arlette Lévy, épouse Andersen, s’installe au Danemark en 1952. D’abord pudique sur les atrocités vécues pendant la guerre, elle change d’attitude en 1990, ne supportant pas de voir à la télévision le président du Front national, Jean-Marie Le Pen relativiser l’importance de l’Holocauste et qualifier le camp d’Auschwitz de “détail”. Elle décide alors de parler de son expérience bien réelle, et pas à moitié: elle parcourt 25 ans durant le Danemark, la Suisse et la France et donne plus de 426 conférences. 75 ans après la libération de ce tristement célèbre camp d'extermination, Arlette Lévy Andersen reçoit un hommage national pour son travail inlassable de sensibilisation à l'Holocauste. En juin 2007 puis en novembre 2016, la survivante d'Auschwitz est décorée Chevalier puis Officier de la Légion d'Honneur. En 2015, elle est nommée membre honoraire de l'Université de Clermont-Ferrand.


L’héritage d’Arlette Lévy-Andersen

L’ancienne étudiante clermontoise, alors âgée de 93 ans, a travaillé avec le journaliste et photographe Thomas Kvist Christiansen sur un film autobiographique qu’il réalise pour elle en 2017, "Arlette - une histoire que nous ne devons jamais oublier" présenté au festival du film, Traces de Vies, à Clermont Ferrand en 2018. Thomas Kvist Christiansen est également l´auteur du livre sur l'histoire d'Arlette Andersen, Nous sommes ici pour mourir (Vi Er Her For At Dø), traduit en Français par Fabrice Boyet, responsable de la bibliothèque universitaire de Clermont Ferrand. Elle est décédée l’an dernier au Danemark, chez elle.


Cette figure témoin de la Shoah est célébrée lors des commémorations anniversaires de la rafle et son documentaire est souvent diffusé à cette occasion.

L’université de Clermont Auvergne prévoit de nombreuses expositions, colloques, conférences, diffusion du film “Shoah” et autres discussions autour de ce drame d’il y a 80 ans, du 19 au 25 Novembre 2023. Elle attache une importance majeure à entretenir et partager la mémoire de cette rafle qui eu lieu en ces murs, et à sauvegarder la mémoire de ceux qui y ont résisté et qui s’y sont cachés.


Cléa CHAPAT


 

Sources

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