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Pénurie d’essence: avec le blocage, tout le monde est perdant

Dernière mise à jour : 16 nov. 2022

SOCIÉTÉ


Avec un syndicat très contestataire et des directions d’entreprise trop confiantes, qui sont trop menacées, le gouvernement est obligé de sévir, avec le risque d’augmenter des désaccords.



De longues files d’attente de véhicules aux abords des stations-service, des centaines de milliers de Français empêchés de se rendre au travail, d’élèves privés de car scolaire, de travailleurs indépendants et d’artisans immobilisés, faute de carburant : en moins de deux semaines, de simples revendications salariales au sein de deux groupes privés, Total Energies et ExxonMobil, ont dégénéré en conflit social d’ampleur nationale, bloquant une partie de l’activité du pays.


Alors que la France se préparait psychologiquement à manquer d’électricité et de gaz cet hiver, les premières pénuries concernent finalement l’essence et le gazole. La guerre en Ukraine ou les défaillances de notre système d’approvisionnement énergétique n’y sont pour rien. C’est un dialogue de sourds entre un syndicat opportuniste et peu enclin au compromis, la CGT, et des directions d’entreprise trop sûres d’elles-mêmes et incapables d’anticiper les risques d’une confrontation sociale, qui a rendu possible ce maelström franco-français.


Pris au piège


Comme chaque année, la promesse d’un automne agité sur le plan social faisait son chemin. Mais personne n’imaginait que l’étincelle puisse venir de Total Energies, une entreprise dont les profits sont artificiellement gonflés par la hausse spectaculaire des prix du pétrole et dont les salariés ne sont pas les plus mal payés. Mais les relations sociales dépendent à la fois du contexte global et de l’état du rapport de force au sein de l’entreprise. Faute d’avoir bien évalué l’un comme l’autre, Total Energies se retrouve pris au piège, entraînant avec lui son principal concurrent, le gouvernement et les Français dans un conflit qui était évitable.


Le contexte, d’abord, est celui d’une inflation qui nourrit une inquiétude grandissante des salariés sur leur pouvoir d’achat. Il est aussi celui d’une entreprise qui réalise des profits faramineux, tenant davantage de l’effet d’aubaine que du talent de sa direction. Cette dimension emblématique de l’entreprise dans le débat sur les superprofits aurait dû inciter à davantage d’anticipation, dans un contexte hautement inflammable.

La question du rapport de force, ensuite, tient au fait que le secteur est parmi les plus syndiqués, avec une fédération nationale des industries chimiques CGT très revendicative, à quelques mois d’un congrès confédéral qui s’annonce tendu. Le raffinage est également une activité où il suffit d’une poignée de salariés pour bloquer l’approvisionnement énergétique d’un pays tout entier. Tout cela, Total Energies ne l’a pas découvert il y a dix jours, lorsque la grève a été déclenchée.


Au lieu d’anticiper les négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour 2023, afin de désamorcer des tensions, à l’instar de ce qu’ont fait d’autres grandes entreprises, Total Energies a préféré jouer la montre. Même si les salariés bénéficient de rémunérations plus avantageuses qu’ailleurs, il n’était pas imaginable qu’ils se contentent des 3,2 % accordés au début de 2022, alors que l’inflation a atteint 5,6 % en septembre.

Ce manque d’anticipation fait que, désormais, tout le monde est perdant. L’entreprise, qui a maintenant le couteau sous la gorge pour lâcher ce que réclame la CGT ; les Français, qui n’avaient pas besoin de cette séquence, alors que leur moral était déjà en berne ; le gouvernement, qui est contraint de hausser le ton en ordonnant la réquisition de salariés pour tenter de débloquer la situation, au risque de rajouter de la tension à la tension. Quant à la CGT, elle donne l’image d’un syndicat peu concerné par l’intérêt général.



Eloise DURIS

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