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Confinement et cours en ligne : interview de Mme Cacopardi et de M.Violle

Dernière mise à jour : 3 déc. 2020



Interview d'Irene Cacopardi


Face à l’aggravation de la crise sanitaire du covid-19, le gouvernement a mis en place un système de reconfinement durant lequel les universités ont dû pour la seconde fois fermer leurs portes. Face à cette décision, les universités ont dû s’organiser afin de permettre aux étudiants de continuer à suivre leurs cours malgré la période difficile que nous vivons depuis maintenant presque un an. À l’inverse du premier confinement qui est arrivé sans crier garde, les professeurs et les étudiants sont plus aptes à affronter ce nouveau confinement notamment grâce à une meilleure connaissance des méthodes de cours en ligne. Nous avons eu la chance d’interroger Irene Cacopardi, enseignante-chercheuse pour le département d’italien à l’Université Clermont-Auvergne, concernant son organisation des cours en ligne durant ces deux confinements.


Comment vous êtes-vous organisée pour les cours en ligne pendant ces deux confinements ?


Je connaissais bien la plateforme Moodle parce que j’avais déjà fait des cours pour le CEAD, qui est l’enseignement à distance, donc d’un point de vue technologique et de l’outil informatique je n’avais pas de problème, c’est quelque chose qui me plait assez. Donc j’ai essayé de voir comment je pouvais transposer mes cours sur l’espace Moodle, j’ai même fait deux formations que l’Université avait mis en place surtout pour ce qui est du contrôle continu, pour éviter que les étudiants copient par exemple, et ensuite j’ai dû travailler mes cours.


Il y a certains cours qui ne posaient pas de problème d’un point de vue de contenu, même si très souvent pour les CM lorsque l’on arrive en cours on a un plan, une ébauche et donc il a fallu que j’écrive toutes ces choses que l’on a normalement en tête pour que ma pensée et ma connaissance soient accessibles à tous les étudiants, en sachant que je ne suis pas forcément en classe pour répondre directement à toutes les questions. Donc il a fallu retravailler le contenu du cours afin de le rendre plus accessible, et d’autre part pour les TD il a fallu non seulement retravailler le contenu mais aussi la méthodologie du point de vue de la pédagogie, et là c’était déjà un petit peu plus compliqué en ce qui concerne les cours de langue par exemple, surtout pour les cours de traduction où il a fallu mettre en ligne le document, ensuite mettre en ligne la traduction, ensuite mettre en ligne le travail de correction, et très souvent en classe, les étudiants peuvent avoir des questions qui amènent à un autre point de grammaire auquel on a pas forcément pensé avant, donc il a fallu se mettre dans la peau d’un étudiant pour rendre le cours le plus accessible possible.


C’est pour cela que j’ai créé notamment des espaces où les étudiants pouvaient poser leurs questions, qui n’a pas forcément été utilisé, les étudiants n’ont pas estimé que cet espace pouvait être un espace où ils pouvaient trouver des solutions. Donc cela a été vraiment un travail sur le contenu d’une part pour que cela soit le plus clair et accessible possible, et d’autre part sur la pédagogie qui était totalement différente en l’absence du professeur en personne.


Pourquoi avoir choisi de mettre des documents en ligne plutôt que d’organiser des cours en visioconférence ?


Lors du premier confinement j’ai fait les deux, c’est-à-dire que j’ai organisé des cours en visio lorsque les étudiants étaient disponibles. Très souvent le problème de la visio c’est que les étudiants ne pouvaient pas être présent parce qu’ils étaient partis chez leurs parents et n’avaient donc pas forcément une connexion qui permettait de suivre le cours de manière correcte et d’autre part aussi parce qu’ils n’avaient pas l’outil technologique adapté. Ils n’avaient par exemple que le téléphone portable donc c’était compliqué. Lorsque la classe était favorable, alors là je faisais des visio. En ce qui concerne ce deuxième confinement, mon congé maternité se terminant le 1er décembre, la suite des cours se fera en visio, avant non car j’étais en congé maternité donc je n’étais pas censée faire cours et donc pour préserver ma vie personnelle je préférais ne pas organiser de cours en visio.


Est-ce que tout s’est passé comme vous l’aviez prévu où avez-vous rencontré des complications, que ce soit d’ordre technique ou familial ?


Lors du premier confinement ça a été très compliqué à mettre en place. Tout d’abord parce que les choses se sont faites très rapidement donc les cours n’étaient pas du tout prévu pour être fait en ligne et donc il a fallu vraiment un travail en amont comme je vous le disait tout à l’heure où j’ai du tout réécrire notamment en ce qui concerne les cours de traduction ainsi que d’écrire des corrections individuelles, il a fallu imprimer la copie, appliquer les corrections, renvoyer les corrections à l’élève et ça a posé des problèmes du point de vue technique parce qu’on a pas forcément prévu d’imprimer beaucoup de copies et on se retrouve vite en manque de papier et d’encre par exemple, donc ces choses qui peuvent paraître anodines mais qui au final bloquent tout le travail.


Personnellement j’avais un bon ordinateur ainsi qu’une imprimante et un scanner donc pour ma part ça n’a pas posé beaucoup de problème d’un point de vue technique sauf pour certains étudiants pour qui la connexion ne fonctionnait pas au moment des cours ou bien qui avaient des frères et sœurs qui devaient eux aussi travailler et ne pouvaient donc pas se connecter. D’un point de vue personnel, ça pose un problème à partir du moment où vous avez les enfants à la maison. L’école étant fermée lors du premier confinement, j’ai dû jongler entre une petite fille de 6 ans à qui il a fallu faire école, son papa qui était lui aussi en télétravail tout cela dans un petit appartement donc c’était assez compliqué du point de vue de la gestion.


Aujourd’hui c’est différent parce que ma fille est à l’école toute la journée, j’arrive à gérer le petit qui dort beaucoup, mon conjoint n’est plus en télétravail donc ce deuxième confinement pose moins de problème surtout grâce au fait que les écoles restent ouvertes. C’est vrai aussi que de base nous ne sommes pas formés pour les cours à distance, donc cela peut poser problème à certains professeurs, pour ma part cela ne m’a pas posé de problème car je connaissais déjà certains logiciels de cours en ligne, d’autres un peu moins mais j’ai facilement réussi à en comprendre le fonctionnement mais c’est vrai que aussi pour les étudiants ça a pu poser problème, pour les cours sur zoom certains étudiants notamment en première année étaient assez désemparés car ce sont des outils auxquels les étudiants n’ont pas été habitués non plus et il y avait beaucoup d’étudiants qui ne réussissaient pas à déposer leurs devoirs sur l’espace dédié par exemple, il fallait donc leur expliquer la procédure par mail et c’est vrai que c’était très compliqué.


Mais pour ma part la difficulté était plus présente chez les étudiants que chez moi. Pour les autres professeurs, j’ai eu des échos de certains profs qui avaient aussi quelques problèmes mais je pense qu’il y a des professeurs qui sont plus âgés ou qui ne sont pas forcément à l’aise avec ce genre d’outil informatique. Mais finalement j’ai pu constater que pour certains cours, les cours en lignes fonctionnaient mieux, les élèves réussissent à participer plus facilement car ils sont moins stressés par la présence en classe par exemple. L’avantage aussi c’est que vous avez constamment les cours qui sont disponibles alors qu’en classe si vous n’avez pas bien compris un sujet ou que vous avez moins réussi à suivre à un certains moments du cours et que vous ne venez pas me demander forcément, vous restez avec un blanc dans votre cours alors que là vous avez tout, certes parfois peut-être un peu brouillon mais accessible tout le temps donc sur ce point de vue là je pense que ça peut être plus facile pour vous.


Cela a-t-il été difficile de gérer à la fois les cours en ligne et votre vie de famille ?


Le premier confinement c’était plus compliqué parce que comme je vous le disais j’avais ma fille à la maison. Cette fois ci, c’est vrai que je suis quelqu’un d’assez structurée et je sais que lorsque j’ai des dates butoirs je me prends assez à l’avance pour ne pas être dépassée, mais c’est aussi parce que je n’ai qu’un cours. Si j’avais eu effectivement tous mes cours en ligne comme l’année dernière avec un bébé en bas âge, ça n’aurait pas été possible. Mais si en décembre on continue en distanciel, là je ne serai plus en congé maternité, j’aurai une nounou pour mon fils, j’aurai ma journée consacrée comme si je venais à l’université donc non j’arrive à gérer, à part peut-être pour ce qui est de la fin des cours, tout ce qui est des corrections et contrôles continu, là c’est très compliqué parce qu’il y a plus de travail. Mais lorsque l’on fait ce métier-là, et surtout lorsque l’on a la recherche a côté, la famille est habituée à respecter les moments où on doit travailler, du moins dans mon cas.


Avez-vous changé votre manière de noter vos étudiants pendant les cours en ligne ?


En effet mes barèmes ont changé. Par exemple pour le cours de thème, je suis plus sévère, l’heure du cours était restée la même et pour le contrôle continu je le faisais commencer à 8h15 admettons et je le faisais finir à 9h15, donc c’est vrai que le devoir était plus compliqué pour une durée d’une heure par rapport à ce que j’aurais donné en classe parce que j’estimais que l’étudiant avait l’opportunité de regarder sur internet ou d’avoir un dictionnaire à côté et donc j’ai essayé de trouver des textes qui faisaient référence à d’autres compétences plutôt que la simple connaissance de la langue, donc forcément je faisais plus attention au lexique utilisé car je n’avais pas la liberté de contrôler ce que l’étudiant faisait. En effet il pouvait regarder sur le dictionnaire mais je voulais savoir s’il arrivait à se servir correctement du dictionnaire, s’il arrivait à comprendre la nuance. Donc oui ça a complètement changé effectivement.


Et ça a changé aussi au niveau de la remise de dossier parce que j’estime que vous avez tous les cours en ligne donc vous pouvez plus facilement retourner voir vos documents donc il faut effectivement que le niveau soit un peu plus élevé mais moi je ne suis pas là pour « casser » les étudiants donc je ne dirais pas que je suis tellement plus sévère.


Y-a-t-il des mauvaises expériences du premier confinement que vous ne voudriez pas refaire ?


Oui, par rapport aux cours de Lansad et aux cours de langue par exemple, mais malheureusement nous n’avons pas de solution possible. Pour moi un cours de langue c’est un cours durant lequel il faut interagir avec l’étudiant. Le problème c’est que, surtout pour le Lansad, les étudiants étaient de niveaux différents et de filières différentes et moi je voulais absolument faire un cours en Visio sauf que cela n’était pas possible parce que très souvent les étudiants n’avaient pas la possibilité de se connecter, donc c’était très compliqué. Donc effectivement c’est dommage de devoir faire un cours de langue sans pouvoir parler directement avec l’étudiant. C’est comme les cours de langue orale, lorsque l’on a 20 étudiants tous connectés au même moment, il y en a forcément qui vont parler en même temps et ce n’est pas gérable. Donc il faudrait effectivement trouver des moyens pour palier à cela, peut-être séparer la classe en deux ou quoi mais l’université doit aussi suivre d’un point de vue économique et c’est plus compliqué.





Interview de M.Violle


L'enseignement à distance est un moyen de se former et de valider un diplôme à distance, c'est-à-dire sans avoir besoin de se rendre dans une école pour assister à des cours. Si cela peut s’avérer une solution intéressante pour des publics en reprise d’étude ou qui sont salariés, il n’en va pas nécessairement de même pour les étudiants en formation initiale. Face à l'aggravation de la crise sanitaire du covid-19 depuis le 2 novembre, l'enseignement à distance n'est plus un choix mais une obligation. Contrairement au printemps dernier, les choses ont changé. Le personnel des universités est désormais prêt à affronter ce défi. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de partager avec vous l'interview que j'ai eu avec le responsable du cursus Médias et médiation culturelle du Master LLCER à l'université Clermont Auvergne : Nicolas Violle. Avec ce dernier confinement vous avez dû mettre au point un nouveau système de cours à distance, est-ce que ceci a été travaillé durant l’été ? Quels ont été les obstacles majeurs que vous et les autres enseignants avez dû surmonter pour cette nouvelle période de cours à distance ? L'expérience de ce printemps vous a-t-elle aidé ? Quelles ont été les erreurs à ne plus répéter ? Oui, en effet nous avons dû travailler énormément au début de l’été pour concevoir l’organisation des cours de la rentrée et du confinement actuel. Après le premier confinement, il y a eu au sein de l'université un débriefing, et un travail d'analyse. Il me semble que le Ministère a piloté des consultations et a croisé les données qui sont remontées des universités. Cela a débouché sur la mise en place de modalités d'enseignement hybrides comme vous le savez qui misait sur des cours en présentiel quand il était possible et que le nombre d'étudiants ne dépassait pas un certain nombre, et les groupes plus petits ont été placés dans de grandes salles pour garantir la distanciation et les gestes barrière. Nous avons veillé à ce que les étudiants respectent ces gestes (port du masque, distanciation). Je trouve que lors du premier confinement, et toujours dans le confinement actuel, l'université a fait un travail surprenant pour s'adapter à la situation. Au printemps dernier nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain à avoir à gérer une situation sans précédent, que ce soit pour l'administration, la direction ou à niveau pédagogique. L'Université a démontré des capacités d'adaptation et d'écoute exemplaires, insoupçonnées. Dans les formations auxquelles je participe, nous n’avons pas abandonné les étudiants pendant le confinement, on a veillé à les suivre au mieux de nos possibilités (Teams, Zoom Téléphone, mails) on savait que la situation était difficile pour nous mais aussi et surtout pour vous. Après le premier confinement, pour anticiper sur une éventuelle deuxième vague, mon UFR nous a demandé individuellement de quel équipement nous avions besoin pour pouvoir assurer les cours (casques/micro, ordinateurs portables, caméras, logiciels). Les erreurs ont été plutôt au niveau personnel je trouve, il a fallu très rapidement adapter la pédagogie à la distanciation et à de nouveaux outils ; on a un peu tâtonné au début, il a fallu apprendre l’emploi de nouveaux logiciels ; nous ne sommes pas parfaits et on était face à l'inconnu. Je suis intéressé par un choix qui a été fait par l'université, le logiciel qu'on utilise, Microsoft teams. Le sujet m'intéresse car beaucoup d'autres universités ont choisi d'adopter Zoom. Il y a une décision particulière derrière ce choix où il s'agit juste d'un partenariat avec Microsoft ? Vous aviez pris en considération d'autres logiciels ? Si oui, pourquoi choisir Teams ? Avez-vous éprouvé des difficultés face à Microsoft Teams ? Je vous avoue que personnellement moi-même je ne sais pas pourquoi ce choix a été fait. Dans l’urgence du premier confinement, nous avions utilisé les deux : Teams et Zoom. Je trouve que comme vous l'avez évoqué, c'est une décision plutôt pratique, depuis des années, étudiants et professeurs de l'UCA ont accès à Microsoft Office 365 de façon gratuite grâce, sans doute, à un partenariat entre l’UCA et Microsoft. Teams était déjà inclus parmi nos logiciels l’université voulait s'assurer que les étudiants et le personnel puissent utiliser un logiciel qui était déjà accessible. Comme vous l'avez vu, moi et mes collègues avons reçu une formation assez basique au logiciel, nous ne sommes pas des utilisateurs expérimentés, enseignants et étudiants, nous sommes tous sur le même bateau, il y a une vraie forme d'entraide, on apprend réciproquement les uns des autres. Enfin la question que tous les étudiants se posent : comment pensez-vous gérer les examens si la période de confinement était étendue ? Vous pensez toujours effectuer des examens en présentiel malgré les risques ? Ou avez- vous déjà pensé à une solution qui puisse nous permettre d'effectuer les examens en présentiel sans risques ? Que ce soit en situation normale ou en situation de confinement, vous devez savoir que les modalités d’examens font l'objet d'un vote par une commission de l’université, tout cela est très réglementé. Une fois les décisions votées on doit les respecter. Lors du premier confinement on a d’abord beaucoup travaillé à ces règles à la distance. Au moment d’envisager l’année actuelle, il fallait prendre en considération plusieurs facteurs, envisager plusieurs scénarios. Vous qui êtes en master par exemple avez beaucoup plus de dossier à préparer et contrôles continu et quelques examens en présentiel. On a réduit encore les épreuves à distance, ne maintenant que ce qui est absolument indispensable (les épreuves de traduction par exemple) et on cherche à adapter à la distance les autres épreuves, ainsi on a changé les modalités de certains examens, comme par exemple le cours de Médiation littéraire qui prévoit maintenant un dossier à rendre. Les examens qui resteront toujours en présentiel préservent les règles sanitaires, on cherchera les salles les plus grandes possibles, on limitera le nombre d'étudiants pour assurer votre sécurité. Enfin, comment vivez-vous personnellement la situation ? Y-a-t-il des décisions que vous regrettez d'avoir prises ? Croyez-vous que la décision du gouvernement de fermer les universités est correcte si l'on considère que les lycées et les collèges sont toujours ouverts ? Faire cours à distance est une chose compliquée. Vous devez savoir que travailler à distance nous demande davantage de temps. Nous travaillons beaucoup plus pour assurer vos cours, vérifier que vous avez la possibilité de suivre dans de bonnes conditions, répondre à vos questions de cours et d’organisation. Cela me demande trois fois plus de temps que d’habitude Ce travail qui est fait dans les coulisses de l'enseignement est peu vu donc pas reconnu. Pendant les premières six semaines qu'on a eues en présentiel j'étais vraiment heureux d'avoir à nouveau la possibilité de pouvoir m’adresser à vous sans la médiation. En même temps, chaque semaine arrivaient les nouvelles d’étudiants malades, c’était assez inquiétant. Si dans l’enceinte des salles de cours les gestes barrière étaient respectés, dans les couloirs, dans les bars, lors de la pause déjeuner ce n'était pas toujours le cas. En revanche, j’ai beaucoup de mal à accepter la décision de laisser les étudiants des classes préparatoires avoir cours et pas ceux des universités. Si on voulait la preuve d’un système à deux vitesses on ne pouvait pas trouver mieux, c’est regrettable. Si les élèves de prépa ont besoin d'aide et d'être suivis c'est aussi le cas des étudiants Il me semble que certains cours à effectifs limités auraient pu être maintenus. Je peux donc comprendre la décision du gouvernement : on est toujours soumis au risque, mais il est le même pour tous, étudiants comme élèves de prépa. Ismaël DOUMBI

Fabrice SOLTAN



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